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Lafarge en Syrie, base arrière de la DGSE

Le groupe Lafarge, dont une usine était implantée en Syrie non loin de Raqqa, a été mis en examen pour avoir versé plusieurs millions d’euros à Daesh. Mais le cimentier recueillait aussi des renseignements pour le compte de la DGSE…

Cimenterie Lafarge : la multinationale, Daesh et les espions.

Paru dans Télérama du 29 mars 2023. 70 mn. Inédit. C’est ce qui s’appelle une affaire dans l’affaire. En 2011, alors que des groupes djihadistes ne cessent d’étendre leur influence, en Syrie l’usine Lafarge poursuit ses activités en versant de l’argent aux terroristes de Daech. Sauf que l’histoire ne s’arrête pas là.

Les mauvais génies de la France au Yémen

Sanaa, dans le nord du Yémen, une capitale inaccessible. Ici, la péninsule arabique se termine par des sommets. Plus de 3 millions de personnes y vivent, à 2.200 mètres d’altitude, coupées du reste du monde. En contrebas, au pied de ce territoire, des armées régulières, des bandes criminelles, des zones de chaos. Un espace où prospère un redoutable ennemi de l’Europe, Al-Qaida dans la péninsule arabique, Aqpa.

Les recruteurs, éditions Grasset

Manipuler les esprits. Persuader un égaré. Convertir un innocent. Sur les réseaux, les croyances deviennent un produit. Et les émotions, un commerce. Dans notre monde gouverné par les profils numériques, l’art de la persuasion ne connaît ni frontière, ni morale, ni religion. S’insinuer dans les replis de la conscience, trafiquer les émotions, manipuler les rêves. Un seul résultat compte : trouver une cible, pénétrer son esprit.

Yémen, immersion dans une sale guerre

L’intérêt du documentaire de Guillaume Dasquié et Nicolas Jaillard, qui ont passé plusieurs semaines au Yémen, en territoire rebelle, est de montrer l’autre versant de cette guerre. Et, au passage, de revoir Sanaa, l’une des plus belles villes au monde.

Les secrets d’Eichmann censurés

En Allemagne, un historien français spécialiste du XXe siècle a assigné en justice les services secrets allemands dans une plainte peu commune, déposée devant le tribunal administratif de Cologne. Depuis dix ans, ce chercheur travaille sur le procès de l’ancien responsable nazi Adolf Eichmann, ouvert à ­Jérusalem en octobre 1961. Or, l’État allemand lui refuse l’accès à des archives portant sur de curieux arrangements consentis en marge de l’événement. Les milliers de pages déjà obtenues par Fabien Théofilakis décrivent des manœuvres qui écornent le mythe entretenu par les gouvernements de Bonn, Tel-Aviv et Washington de l’époque. Celui d’une Europe des années 1950 libérée du nazisme où les cadres du IIIe Reich auraient été tués ou arrêtés et éloignés des affaires publiques. Avec en point d’orgue, comme pour en finir, la comparution de l’un d’eux, Adolf Eichmann.

La légende de Lafarge

Le voici, l’intermédiaire de l’organisation État islamique, accusé d’avoir persuadé des cadres du groupe Lafarge de s’acoquiner avec Daesh, pour faire fonctionner leur usine syrienne, quitte à enrichir des terroristes. Dans un bureau du huitième arrondissement de Paris nous nous attablons de longues heures et à deux reprises avec cet homme né à Damas, porteur de deux passeports, l’un syrien l’autre canadien. Amro Taleb. Son nom revient une centaine de fois dans le dossier pénal ouvert fin 2016, dans lequel huit anciens dirigeants du cimentier sont mis en examen pour financement du terrorisme, ainsi que la société Lafarge en tant que personne morale.

Radicalisme tempéré à Argenteuil

Argenteuil, porte d’entrée de « l’islam politique et de l’extrémisme en Île de France », un épicentre du salafisme. C’est la perception d’une élue du département, la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio (Les Républicains), que nous avons rencontrée au Palais du Luxembourg. Elle l’affirme d’une voix assurée. La rapporteure de la Commission d’enquête sur le radicalisme islamiste a exercé comme prof, il y a près de quinze ans, au lycée Cognac-Jay de cette même ville. Elle se souvient « de jeunes musulmanes qui voulaient s’en sortir » et s’émeut de « l’entrisme pratiquée par les réseaux salafistes » sur place. Direction cette commune du Val d’Oise, 40 minutes à l’ouest de Paris, dont le territoire s’étend sur des rivages de la Seine où autrefois bourdonnaient des usines. Sans nier la présence de noyaux extrémistes, le maire de la commune met en garde contre les idées reçues.

Toutes les vies de Jamal Khashoggi

Les affaires d’État ne démembrent pas seulement les hommes, elles tronquent le récit de leur vie. Tels ces quelques mots réservés à Jamal Khashoggi devenu, au soir de sa vie, un journaliste dissident muselé par le roi d’Arabie. La qualification et le titre auraient pu l’amuser. Ils provoquent une moue gênée chez ceux qui ont croisé la route singulière de cet homme au cours des trente dernières années, certes un intellectuel, mais un aventurier aussi, gardien de bien des secrets de la famille Saoud.

La carrière syrienne de Lafarge

Le groupe cimentier Lafarge, fleuron du CAC 40, a délibérément coopéré en Syrie avec l’organisation État islamique (EI) pour préserver ses activités industrielles dans le pays. La société a été mise en examen au mois de juin 2018 pour « financement d’une entreprise terroriste ». Ses dirigeants sont soupçonnés d’avoir d’une part autorisé le versement de bakchichs à des membres de l’EI, pour garantir la sécurité des salariés et le transport des marchandises ; et d’avoir d’autre part autorisé des ventes de ciment aux groupuscules terroristes au moment où son site de production allait tomber entre leurs mains. Mais les pièces du dossier et les témoignages des rares initiés reconstituent une autre histoire, plus incertaine. Plus grise. Celle-ci implique directement l’administration en charge du contre-terrorisme, la DGSI, le Quai d’Orsay, et les services de renseignement extérieurs de la DGSE.