Le Point : Ben Laden au peigne fin

© Le Point, le 16 novembre 2001

ENCART: Edition. Un livre démonte les liens intimes entre des personnages
éminents d'Arabie saoudite et la nébuleuse noire du terrorisme international.

"Toutes les réponses, toutes les clés permettant de démanteler l'organisation
d'Oussama ben Laden se trouvent en Arabie saoudite. " Cette thèse est la
théorie posthume de John O'Neill, ancien coordinateur de la lutte
antiterroriste américaine. Ironie du sort, ce spécialiste ès-réseaux Ben Laden
a trouvé la mort dans l'attentat du World Trade Center. Cet été, le limier a
fait part de son trouble à propos du royaume du roi Fahd à l'un des auteurs
d'un livre de révélations, « Ben Laden, la vérité interdite » (1), qui paraît
ces jours-ci.

Le livre démonte les liens intimes entre des personnages éminents d'Arabie
saoudite et la nébuleuse noire du terrorisme international à travers une
myriade d'établissements. De l'entrelacs de sociétés étranges se détache un
nom, celui de Khalid ben Mahfouz, un banquier de 73 ans déjà impliqué dans le
scandale de la Bank of Credit and Commerce International (BCCI). Cette banque
avait été liquidée en 1991 après avoir trempé dans des opérations douteuses
sur fond de trafics d'armes. Surnommé le « banquier de la terreur » par les
auteurs, Khalid ben Mahfouz, fils du fondateur de la principale banque du
royaume, aurait financé des fondations caritatives servant de paravents à
Al-Qaeda.

Ne pas gêner Ben Laden...

Signé par Guillaume Dasquié, 35 ans, rédacteur en chef de la lettre
confidentielle Intelligence On-Line, et par Jean-Charles Brisard, 33 ans,
touche-à-tout de l'investigation secrète (voir encadré), « Ben Laden, la
vérité interdite » puise sa substance dans des notes déclassifiées de la CIA et
dans des registres du commerce. Le livre se fonde surtout sur le fameux «
Rapport sur l'environnement économique d'Oussama ben Laden ».

Lors de son rendez-vous avec George W. Bush juste après les attentats du 11
septembre, Jacques Chirac a remis cette étude alors secrète au président
américain. Ce document de 56 pages a filtré dans la presse, puis a été publié
en annexe du dernier rapport du député Arnaud Montebourg sur les paradis
fiscaux. Mais le rédacteur de ce rapport restait anonyme. L'auteur n'est autre
que Jean-Charles Brisard. « Un service de renseignement français m'a passé
commande de cette étude en 1996 », confie l'intéressé, à l'époque assistant
parlementaire.

« Ben Laden, la vérité interdite » narre comment les diplomates américains
auraient tenté de faire pression sur les enquêteurs du FBI pour qu'ils ne
s'aventurent pas à gêner les pays amis du Golfe. Raison d'Etat d'autant plus
forte que, jusqu'au 11 septembre, les Etats-Unis négociaient en sous-main avec
les talibans, la diplomatie américaine étant influencée par les intérêts des
firmes pétrolières du pays, très présentes dans l'entourage de George W. Bush.

Deux ans après l'attentat contre la base militaire de Dharan, en Arabie
saoudite, Ben Laden n'était pas recherché par les autorités américaines.
L'ouvrage révèle que le premier mandat d'arrêt à son encontre a été délivré
par la Libye le 15 avril 1998. L'actuel ennemi public numéro un était alors
recherché dans le cadre d'une enquête sur l'assassinat d'un couple d'Allemands,
le 10 mars 1994, près de Syrte. Les victimes, Silvan Becker et son épouse,
étaient des agents secrets de la République fédérale, responsables de
l'antiterrorisme pour l'Afrique noire

1. « Ben Laden, la vérité interdite », de Jean-Charles Brisard et Guillaume
Dasquié, Denoël, 332 p., 20 e.