Technikart : Guillaume Dasquié est-il un traître ou un citoyen exemplaire ?

© Technikart, mars 2011.

Coup de tonnerre à Libé : pour avoir été auditionné par le juge en charge de l'affaire de Karachi, l'enquêteur Guillaume Dasquié a dû partir du quotidien. Où s'arrête le journalisme, où commence la citoyenneté ?

Guillaume Dasquié a 45 ans, mais il ne les fait pas. Il faut dire que ça fait déjà vingt ans qu'on le voit comme «un jeune homme doué» dans le milieu des médias frenchy. Avant de démissionner de Libération le 31 janvier dernier, cet investigateur compulsif a déjà vécu plusieurs vies. Dès 1991, licence de droit et maîtrise de sciences politiques en poche, il démarre une carrière de journaliste chez Canal+ et BFM et se lance dans l'investigation en assistant Philippe Madelin, le spécialiste du genre décédé il y a un an, dans la rédaction de ses livres d'enquête (<

GARDE À VUE
C'est l'un de ses articles parus dans «le Monde» qui vaudra à Guillaume Dasquié de voir débarquer la DST chez lui le 5 décembre 2007, pour lui confisquer toute sa doc et son matos. Les flics s'étonnent que tout ça ne soit même pas sous clé. Il s'en explique plus tard, au bord des larmes, sur un plateau télé: «Moi, mon job, c'est de faire de la transparence». Pour avoir refusé de balancer celui qui lui a fourni des documents classifiés - selon l'article 109 du code pénal sur la protection des sources -, le journaliste s'était vu prolonger sa garde à vue de vingt-quatre heures et menacer par le sous-directeur de la DST de dormir en prison quelques mois. De quoi légitimer sa phrase qui deviendra sa maxime la plus tweettée : «Le journalisme est tout de même mal payé pour beaucoup d'emmerdements».

Est-ce pour ça que Guillaume Dasquié a fini par lâcher son job chez «Libé» ? Même pas. «On m'a foutu une paix royale pour mes enquêtes. Il y a chez "libé" des mecs brillants, c'était un pur bonheur» Mais? «Je suis parti parce que je refuse le jeu d'intrigues auquel voulait me contraindre un des principaux représentants syndicaux de la maison, par ailleurs journaliste d'investigation, qui se sentait en concurrence avec moi.»

L'AFFAIRE KARACHI
Plus précisément: le zélé rival avait rapporté à sa hiérarchie un double de la dernière audition de Dasquié par le juge d'instruction Marc Trévidic, chargé du dossier de l'attentat de Karachi, qui avait coûté la vie à douze Français de la DCN. En clair, pour cet «apparatchik» jaloux, Dasquié n'était rien d'autre qu'un collabo pour avoir livré au juge des éléments de son enquête : «Pour lui, un journaliste de la presse de gauche ne doit pas parler à la justice bourgeoise», reformule Guillaume. Il précise au passage que ses chefs de service étaient informés de ses entrevues avec le juge et que le contenu même de ces auditions n'avait rien de secret, puisqu'elles faisaient l'objet de procès-verbaux.

Dasquié dit n'avoir qu'un principe, on ne parle pas aux flics. En revanche, «si on a des des éléments d'enquête criminelle qu'un juge ne peut pas avoir, il est de notre responsabilité de les lui transmettre. Tu ne peux plus dire que tous les juges d'instruction sont des suppôts de l'Elysée, comme dans les années 70, même si c'est encore une idée partagée par certains chez Libé».

Convoqué par Vincent Giret - directeur de la rédaction «très soucieux de ménager les syndicats et tout ce qui ressemble à une parcelle de pouvoir», dixit Dasquié -, on le somme de s'expliquer sur cette audition. «Pas mon genre», dit-il. Bye bye Libé, donc, direction Owni.fr où il développera une cellule… d'investigation.

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