Rue89 : Espionnage et surveillance, WikiLeaks révèle un business mondial

© Rue89, le jeudi 1 décembre 2011

WikiLeaks, en partenariat avec le Washington Post, le Bureau of investigative
journalism, L'Espresso, l'ARD et les Français d'Owni, révèle l'existence et
l'ampleur d'un marché mondial de la surveillance et de l'espionnage étatique.
Owni note :

« Ce marché de la surveillance de masse représentent désormais cinq milliards de
dollars »

WikiLeaks s'est procuré plus de 1 000 documents (fiches, notices, modes
d'emploi...) de près de 124 entreprises spécialisées, issues majoritairement de
pays du Nord (France, Etats-Unis, Grande-Bretagne) mais aussi d'Inde, de Chine
ou du Moyen-Orient...

Lors d'une conférence de presse, tenue ce jeudi à Londres, Julian Assange a
souligné le caractère global de ces informations :

« Ça ne concerne pas seulement les Etats-Unis. En fait, ce n'est pas juste
l'"Amérique top-secrète", c'est une industrie internationale de la surveillance
de masse. »

Parmi l'arsenal que vendent ces entreprises on trouve :

Owni souligne que ces technologies, si elles sont utilisées à des fins
d'espionnage et de surveillance, ne font pas partie des armes conventionnelles.
Si leur vente est réglementée, rien n'interdit de les vendre à des dictatures
comme la Libye.

Guillaume Dasquié, directeur de la rédaction d'Owni, joint par Rue89, souligne :

« On imaginait que ces solutions étaient plus puissantes et plus ciblées. On
imaginait pas qu'un marché mondial de l'interception s'était développé et qu'on
pouvait surveiller Internet dans son intégralité, au niveau d'une nation. »

Lors de la conférence de presse, un intervenant du Bureau of investigative
journalism a déclaré que les entreprises visées pouvaient par exemple rentrer
dans les téléphones et prendre par exemple des photos à l'insu de l'utilisateur.

« Qui a un iPhone, un BlackBerry, un compte Gmail ? Eh bien, vous êtes mal
barrés » a déclaré Assange, soulignant les multiples canaux scrutés par ce
marché de la surveillance.

Julian Assange a également glissé un clin d'oeil au mouvement des « Indignés » :

« Qui surveillera les surveillants ? Nous. Les 99 %. »

Un autre article d'Owni nous apprend qu'un certain nombre d'opposants libyens,
dont certains réfugiés à l'étranger, ont été surveillés par une société
française, Amesys, filiale du groupe Bull. Des pseudos et des adresses e-mail de
ces dissidents apparaissent dans le mode d'emploi du logiciel Eagle d'Amesys.

Capture d'écran du logiciel d'Amesys, où figurent les coordonnées de dissidents
libyens

Figuraient, entre autres, dans la liste des personnes surveillées, Mahmoud
al-Nakoua, « père fondateur » de l'opposition libyenne en exil et Atia Lawgali,
un des membres exécutifs du CNT et aujourd'hui ministre de la Culture.

Owni rappelle qu'Amesys avait déjà été pointée du doigt pour sa surveillance des
libyens sous le régime Kadhafi.

Amesys, contactée par Owni, se défend mollement :

« Amesys est un industriel, fabricant de matériel. L'utilisation du matériel
vendu (sic) est assurée exclusivement par ses clients. »

La rédaction d'Owni, qui s'était déjà associé à WikiLeaks lors des Warlogs
d'Irak, a de nouveau été contactée, fin août, par l'organisation de Julian
Assange.

Guillaume Dasquié explique que tous les médias partenaires de la fuite ont
fonctionné « en méta-rédaction » depuis plusieurs semaines.

Il poursuit :

« Le sujet traité est d'un niveau technique élevé : il y a des brevets
classifiés, des technologies méconnues. Les clés pour comprendre ne sont pas sur
la place publique. Nous avons établi des contacts avec des sources dans
l'entourage et à l'intérieur des entreprises en question. »