Le Figaro : 11 septembre, six cents familles engagent des poursuites judiciaires

© Le Figaro, le 17 août 2002.

La procédure judiciaire engagée à Washington par plus de 600 familles de
victimes du 11 septembre ne manque pas d'ambition. Longue de 259 pages, la
plainte collective déposée par l'avocat Ron Motley vise à obtenir de l'Arabie
Saoudite un maximum de dommages et intérêts. Les plaignants regroupés au sein
d'une association réclament 100 à 300 milliards de dollars par entité assignée.
' Nous allons couper le flot financier qui alimente le terrorisme dans le monde
', espère William Doyle, dont le fils est mort dans le World Trade Center.

Parmi la centaine de banques et d'organisation caritatives islamiques des pays
du Golfe citées dans la plainte, figurent trois membres importants de la famille
royale saoudienne : le prince sultan ben Abdel Aziz al-Saoud, actuel ministre de
la Défense, le prince Turki, ancien chef des services secrets, et son frère, le
prince Mohamed al-Faycal al-Saoud, directeur de Faisal Islamic Bank, une
importante banque islamique du Moyen-Orient. Oussama ben Laden, son demi-frère
Tarek, et son beau-frère résidant aux Philippines sont également visés par la
plainte, ainsi que le Soudan, attaqué en tant qu'Etat pour avoir hébergé et
protégé le chef d'Al Qaida.

Au-delà de ce bottin mondain saoudien, le texte de la plainte ne démontre pas
avec une grande clarté les liens entre ces personnages, les banques du Golfe, et
les attentats du 11 septembre. Les avocats prétendent disposer d'éléments
prouvant que l'argent de l'Arabie Saoudite a financé les attentats. Ils se
reposent en fait sur le livre français Ben Laden, la vérité interdite
(de Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié, Editions Denoël), interdit
en Suisse. Les éléments de preuves évoqués dans la plainte semblent assez
légers. ' Sur le site Internet de l'Arabie Saoudite, ils se vantent d'avoir payé
150 millions de dollars aux martyrs qui mettent des bombes autour d'eux, montent
dans les bus et tuent des citoyens israéliens, américains et palestiniens
innocents ', peut-on ainsi lire. Outre que cette information ne constitue pas
une preuve recevable devant un tribunal, elle ne concerne pas directement les
attentats du 11 septembre.

Par ailleurs, l'accent mis par l'avocat américain sur l'argent saoudien passe
sous silence quelques faits avérés. En retraçant le parcours des 19 kamikazes
sur le territoire américain, les agents du FBI ont évalué à 500 000 dollars,
soit 25 000 dollars par personne le coût de l'opération terroriste la plus
meurtrière du siècle. Cette somme raisonnable ne nécessitait pas une ponction
sur les fortunes saoudiennes. Les terroristes vivaient modestement, prenant soin
de ne pas faire de dépenses excessives. A la veille de l'opération, deux des
kamikazes ont même renvoyé en Allemagne 4 000 dollars, un surplus d'argent non
dépensé. L'organisation Al Qaida ne roule pas sur l'or, mais elle dispose de
l'argent détourné des organisations caritatives, et du reste de la fortune
personnelle de Ben Laden, à qui l'on attribue une banque islamique personnelle
au Soudan.