AFP : Le 1er mandat d’arrêt international contre Ben Laden délivré par la Libye

© Agence France Presse, 12 novembre 2001
par Bernard Estrade

Le premier mandat d'arrêt international contre Oussama ben Laden a été délivré
en mars 1998 à l'initiative, non des Etats-Unis qui l'accusaient pourtant déjà
d'être l'instigateur du premier attentat cinq ans plus tôt contre le World Trade
Center, mais par la Libye de Mouammar Kadhafi que Washington considère comme un
"Etat terroriste". Cette révélation, accompagnée de la photocopie en français,
en anglais et en arabe de la "notice rouge" estampillée "Confidentiel : à
l'usage exclusif de la police et de l'autorité judiciaire" émise par Interpol,
se trouve dans le livre "Ben Laden : la vérité interdite" (Denoel) sorti
mercredi en France.

Collaboration de deux spécialistes de l'investigation
-Jean-Charles Brisard, dirigeant d'une société d'enquêtes financières et
Guillaume Dasquié, rédacteur en chef de la publication "Intelligence Online"-
cet ouvrage détaille les réticences du Département d'Etat américain à s'aliéner
le pouvoir en Afghanistan. Rappelant que jusqu'en juillet dernier le Département
d'Etat américain négociait avec les représentants du régime taliban, le livre
fait l'historique des contacts secrets menés par l'administration du président
George Bush avec les "étudiants en théologie" sur fond de grandes manoeuvres
pétrolières en Asie centrale.

Et cette première partie du livre donne l'occasion aux auteurs d'évoquer le
poids des intérêts pétroliers dans l'entourage du président George W. Bush
mentionnant au passage que son Conseiller pour la sécurité, la très influente
Condoleeza Rice, a été directrice de Chevron de 1999 à 2000.

MM. Brisard et Dasquié détaillent également les étroites relations entre le
pouvoir en Arabie saoudite et la puissante famille ben Laden, dont tous les
membres, selon eux, ne considèrent pas Oussama comme une "brebis galeuse" comme
l'affirme un de ses frères et n'ont pas, malgré leurs assurances du contraire,
rompu avec lui.

Sans complaisance, ils donnent également un luxe de détails sur la manière dont
des membres de la famille royale saoudienne soutiennent et financent les réseaux
chargés à travers le monde de propager le wahhabisme, leur version
fondamentaliste de l'Islam.

"On parle volontiers de +terrorisme d'Etat+ s'agissant de la Libye ou de l'Iran.
L'Arabie saoudite est épargnée des listes noires pour la seule et bonne raison
qu'elle est incontournable de la scène pétrolière mondiale. Sans cette manne, il
est probable qu'elle y figurerait en bonne place", assurent ainsi les auteurs.

Ce contexte peut peut-être permettre de comprendre pourquoi les Etats Unis n'ont
pas saisi l'offre que le Soudan aurait faite, en 1996, d'expulser Oussama ben
Laden.

Il prend en tous cas tout son relief avec la découverte que le premier mandant
d'arrêt international contre lui a été lancé en 1998 non à la demande des
Etats-Unis pour le premier attentat contre le World Trade Center en février 1993
et les attentats anti-américains de Dharan (Arabie saoudite) deux ans plus tard,
mais par la Libye.

Le régime de Mouammar Kadhafi était apparemment plus anxieux de faire
appréhender Oussama ben Laden qui avait lancé contre lui le "Groupe de combat
islamique libyen" que les services judiciaires américains, alors même que
Washington le qualifiait de "principal sponsor financier des activités
islamistes extrémistes dans le monde".

"Tôt ou tard s'ouvrira le procès des terroristes, de leurs commanditaires et
peut-être des États qui les hébergent et les soutiennent objectivement",
concluent MM. Brisard et Dasquiè. Plus incertain est celui qui reste à faire, de
ceux qui les inspirent et les financent, par action, omission ou intérêt".
"Ben Laden : la vérité interdite", Par Jean-Charles Brisard et Guillaume
Dasquié, Denoel 332 p. (20 EUR).